Leçon de leadership d’opinion par Myret Zaki

Myret Zaki n’a jamais eu la langue dans sa poche. Cela fait bientôt vingt ans que nous pouvons compter sur sa plume aiguisée pour nous dévoiler les dessous du monde économique et financier. Influenceuse romande par excellence, elle compte plus de 12’000 abonnés sur LinkedIn, le même nombre sur Facebook, plus de 4000 sur Twitter et des vidéos YouTube ayant parfois recueilli plus d’un million de vues.
Formée à l’analyse financière chez Lombard Odier, elle se tourne rapidement vers le journalisme. Son objectif, parfaire ses connaissances et partager cette expertise avec le plus grand nombre. C’est en suivant des principes de communication qui lui sont chers que Myret est devenue leader d’opinion.
Impossible de rédiger une série d’articles sur le marketing personnel sans l’y inclure !

Robin von Känel : Vous êtes devenue une figure emblématique de la finance et des médias en Suisse. Vous vous décrivez vous-même comme une influenceuse. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en devenir une ?

Myret Zaki : Je n’ai jamais prévu de devenir influenceuse ou leader d’opinion, mais j’étais passionnée par le domaine de la finance et j’ai développé une certaine compétence. Cette expertise, c’est la matière première sur laquelle on peut construire une marque. Surtout si cette expertise est rare. À cette époque, je n’étais pas encore connue du tout. Et puis est venue la crise de 2008. Là, tout l’investissement des dix dernières années a payé car je me suis retrouvée à être l’une des rares personnes à pouvoir comprendre et expliquer en détail la crise des subprimes. Les éditions Favre cherchaient un auteur pour écrire un livre sur le crash de UBS. Ils sont venus me demander et j’ai tout de suite dit oui. L’expertise était reconnue, mais il a encore fallu réussir à ne pas se tromper dans la manière de communiquer, de se présenter. J’étais très consciente de la difficulté d’assumer ces opinions dans le monde de la finance. C’est pourquoi mes arguments n’étaient pas légers. Toutes mes communications étaient étayées et documentées pour être insubmersibles. C’étaient des convictions fortes, une pensée indépendante et assumée.
Après une brillante carrière au sein des médias suisses, vous connaissez l’envers du décor comme votre poche. Comment attirer leur attention ?
Si vous voulez passer dans les médias, dans Bilan, il faut passer par les journalistes. Il faut leur écrire, leur envoyer un communiqué de presse rédigé de manière impactante. Ils reçoivent des milliers de communiqués. Il faut donc être capable d’en rédiger un qui attire l’oeil avec un sujet innovant. Capter l’attention des journalistes ou d’une audience sur les réseaux sociaux c’est la même démarche.
Quels sont vos trois conseils pour y parvenir ?

  1. Il développer une pensée, un discours, sur une thématique qui soit d’intérêt public. Très important.
  2. Les journalistes aiment être les premiers à parler d’un sujet. Leur offrir l’exclusivité est une bonne façon de les convaincre.
  3. Il faut aussi essayer d’avoir un entretien, venir à la rédaction, les relancer par téléphone. Une réunion one-on-one est beaucoup plus efficace qu’envoyer un communiqué.

Une fois le premier contact établi, comment maintenir leur attention ?
Ne surtout pas se faire dépasser dans son propre domaine. Que ce soit le marketing, la finance ou la blockchain, tout va très vite. Il faut rester à la pointe, être celui ou celle qui va donner les tendances en premier, avoir un avis pertinent. C’est une course dans laquelle il ne faut pas se laisser dépasser. Faire paraître un article dans la presse ça peut aider, mais le mieux ce sont les réseaux sociaux.

Maintenant que vous avez quitté la rédaction de Bilan, vous voulez mettre votre savoir à contribution pour aider d’autres personnes à devenir des influenceurs. Pourquoi cette envie ?
Si je me lance dans le coaching d’influenceurs, c’est parce que je veux que tout le monde s’engage dans notre société à délivrer des informations d’intérêt public. Cela va ensuite légitimer que vous ayez un 20% de votre message qui soit de la vente. Si vous faites un discours uniquement marketing, même très bien rôdé, vous n’aurez pas d’audience. C’est la même chose pour toutes les personnes qui sont devenus des icônes. Elles ont été capables de développer un discours concernant et quand elles ont eu quelque chose à vendre, les clients sont venus naturellement.
Existe-t-il des raccourcis ?
En général, cela passe par faire des opérations qui ont un impact décuplé. Il faut trouver le coup marketing inédit qui va faire le buzz positif. Il vous faut créer l’événement auquel personne n’aura pensé avec un intervenant marquant, créer votre chaîne où vous tenez des propos sortant du lot, ou encore sortir un livre-enquête. Dans mon cas c’était mon livre sur l’UBS. Du jour au lendemain j’ai eu plus de renommée.
Votre cheval de bataille a été la crise financière. Comment identifier ces sujets qui vont faire le buzz ?
C’est de loin cela qui est le plus difficile. Il faut s’informer en permanence pour en apprendre plus sur les nouvelles thématiques, les nouveaux problèmes et pouvoir les expliquer. Il faut être passionné, lire tout ce qui sort, des livres, des articles, de la formation continue. En parler sur les réseaux sociaux pour créer un débat et favoriser l’intelligence collective.
Chaque fois que vous pouvez prendre la parole, être keynote, modérer une table ronde, prendre part à un panel, il faut se jeter à l’eau. Cela peut polariser, on peut avoir des contradicteurs hostiles, mais il faut avoir le cuir un minimum épais, ne pas avoir peur de débattre. Être reconnu comme expert, cela passe par saisir chaque opportunité d’exposition, aller sur les panels, dans les meetups. Pour celui qui veut montrer son expertise, c’est de la communication gratuite. Si on n’est pas prêt à s’exposer, à prendre des risques, on diminue fortement notre capacité d’influence.
Vous soutenez que chaque personne est un média. Quelles en sont les conséquences pour les entreprises ?
Nous sommes dans un monde de communications corporatives aseptisées qui souvent, échouent à capter l’audience souhaitée. Les interviews sont trop préparées, elles n’émeuvent plus, ne mobilisent pas. Si les entreprises sont obligées de sponsoriser leurs posts c’est aussi qu’elles n’attirent pas naturellement le lecteur avec leur contenu. L’équation de l’audience est implacable. La solution pour plus d’authenticité est de communiquer des contenus plus authentiques, laisser la personnalité du/de la CEO s’exprimer, les faire parler de leurs valeurs, et donner aussi plus de marge aux employés pour s’exprimer, livrer leurs idées de façon naturelle, dans les limites fixées par l’entreprise.
Toutes les entreprises peuvent-elles en profiter ?
Les grands groupes vont pouvoir s’humaniser un peu en livrant des contenus plus concernants pour le public. Ce qui va se passer c’est que certains cadres supérieurs vont être encouragés à poster des messages un peu plus personnels. Ils vont être coachés pour parler de façon plus authentique, pour amener des valeurs plus proches des gens. Ceux qui vont vraiment y gagner, ce seront plutôt les indépendants et entrepreneurs.

À retenir

Myret Zaki est un excellent exemple d’influenceuse Swiss-made. Contrairement à ce que professent certains gourous qui conseillent de se démarquer par tous les moyens, devenir un leader d’opinion en Suisse est plus subtil. Comme elle l’a très bien compris, cela nécessite avant tout de devenir un expert, tenir un propos pertinent et rester authentique.
Être expert ne suffit cependant pas à devenir leader d’opinion. Il faut également savoir prendre des risques, s’exposer publiquement, oser dévoiler et assumer ses opinions, se faire des ennemis, contacter des journalistes, etc. Réussir sa communication demande effectivement de bonnes doses d’efforts et de courage.
Myret utilise également beaucoup les médias sociaux, pour rester informée ainsi que pour maintenir le dialogue avec sa communauté. À une époque où l’on entend souvent les experts marketing comparer l’efficacité de ces nouveaux canaux de communication avec les médias traditionnels, elle a su réconcilier les deux. Elle utilise la communication hors ligne (articles, interviews, conférences, réseautage) pour se bâtir une réputation d’expert crédible et la communication en ligne comme caisse de résonance pour multiplier son impact et fédérer une communauté engagée.

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